L’Orient-le-Jour a récemment publié, en traduction
française, une analyse sur les chrétiens en terre d’islam, analyse
effectuée par le spécialiste Christian C. Sahner, de la Princeton University (extraits adaptés ; voir lien vers source en
bas de page) : À l'heure où le Moyen-Orient est aux prises avec des
conflits inter-communautaires, la célébration de la fête chrétienne rappelle
tristement à quel point la diversité religieuse, ethnique et culturelle
distinctive de la région disparaît rapidement. Au début du XXe siècle, les chrétiens
représentaient environ 20% du monde arabe. Dans certaines zones (au sud de
l''Égypte, dans les montagnes du Liban et dans le sud-est de l'Anatolie), ils
ont formé une majorité absolue. Aujourd'hui, seulement 5% du monde arabe est
chrétien, et beaucoup de ceux qui restent sont en train de le quitter, chassés
par les persécutions et la guerre.
Les
juifs, qui représentaient autrefois eux aussi une présence vitale dans des
villes comme Le Caire, Damas et Bagdad, ont tous disparu des régions
majoritairement musulmanes du Moyen-Orient. Ils se sont installés en Israël, en
Europe et en Amérique du Nord. Même dans les communautés musulmanes, la
diversité est en baisse. Dans des villes comme Bagdad et Beyrouth, les
quartiers mixtes ont été homogénéisés, les sunnites et les chiites cherchent à
se protéger des attaques inter-communautaires et de la guerre civile.
La
montée de l'islam politique a porté un autre coup aux minorités religieuses. En
favorisant le renouveau islamique comme solution aux maux de la région,
l'islamisme a conduit à la marginalisation des non-musulmans, y compris les groupes
qui ont pu jouer un rôle considérable dans la vie économique, culturelle et
politique de la région pendant des siècles. Ainsi en Égypte, les chrétiens ont
fait face à une dure discrimination sociale et à des actes de violence, parfois
de la main même de l'État qui est en théorie laïque.
Les
révoltes du printemps arabe ont donné lieu à de nouveaux défis sérieux pour la
diversité culturelle et religieuse au Moyen-Orient. De nombreux régimes
autoritaires, désormais sous la menace d'un effondrement, cultivaient le
soutien des minorités. Cela était particulièrement vrai en Syrie, où le parti
Baas, dominé par les alaouites, avait renforcé ses liens avec les communautés
chrétiennes et d'autres petites communautés en se présentant comme un rempart
de laïcité et de stabilité face à une majorité sunnite réputée menaçante.
Maintenant
que les sunnites de Syrie se sont révoltés contre leurs dirigeants alaouites,
la loyauté des chrétiens envers le régime est devenue une responsabilité, voire
un danger. Dans certaines régions, les chrétiens sont considérés comme des
complices de la répression brutale menée par le gouvernement.
La
montée de l'État islamique l'an dernier a suscité encore plus de violence
envers les minorités. Guidé par une idéologie wahhabite intégriste et un
appétit sans bornes pour les effusions de sang, l'État islamique cherche à
retourner vers un califat pré-moderne imaginaire, qui subjugue les chiites et
traite les non-musulmans comme des citoyens de deuxième ordre. Lorsque l'État
islamique capture une ville, ses combattants donnent aux chrétiens le choix de
verser l'impôt médiéval appelé jizia, de se convertir à l'islam ou d'être tués.
La plupart préfèrent tout simplement s'enfuir.
En plus
de persécuter les minorités, l'État islamique a décidé d'effacer toute trace
physique de diversité religieuse. Ses armées ont démoli des sanctuaires soufis,
des mosquées chiites, des églises chrétiennes et des monuments anciens,
considérés comme des vestiges d'un passé profane et corrompu. La protection par
les gouvernements occidentaux des minorités ethniques et religieuses dans la
région est une question controversée depuis plus d'un siècle, et cette
situation est toujours la même aujourd'hui.
De
nombreux sunnites par exemple taxent l'Amérique de favoritisme : selon
eux, les États-Unis interviennent pour protéger les Kurdes, les yazidites et
les chrétiens dans le nord de l'Irak, mais font peu de choses pour arrêter le
massacre de centaines de milliers de sunnites en Syrie. En fait, l'histoire
américaine compliquée des relations entre l'Église et l'État chez eux rend les
États-Unis réticents à intervenir en faveur de n'importe quel groupe religieux
à l'étranger, en particulier si la population est peu nombreuse.
La fin
de la diversité au Moyen-Orient est une tragédie non seulement pour ceux qui
sont morts, ont fui ou ont souffert. Par leur absence, la région dans son
ensemble va se trouver dans une situation encore pire. Les minorités ont
historiquement servi d'intermédiaires entre le Moyen-Orient et le monde
extérieur, et si elles disparaissent, la région va perdre une classe importante
de leaders culturels, économiques et intellectuels (fin des extraits
adaptés ; voir lien vers source en bas de page).
Reproduction
autorisée avec mention :
© :
Project Syndicate, 2014.
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