vendredi 13 février 2015

Réforme du Vatican - Vraiment ?







Michel Garroté  --  Or donc, le clergé catholique se réunit actuellement pour réformer le Vatican, réformer la Curie romaine, réformer les structures de l’Eglise, bref, pour réformer. La laïque consacrée française Marion Cahour disait avec humour qu’il ne faut pas cesser d’aimer l’Eglise du seul fait que son personnel est parfois déficient. La réforme du Vatican, c’est précisément la réforme de son personnel, y compris de celui qui est parfois déficient. En ce moment se tient un « Consistoire extraordinaire des cardinaux » pour lancer cette réforme. Les analyses publiées à cet égard dans la presse sont aussi nulles que d’habitude, le qualificatif de « vaticaniste » signifiant généralement « ignare de gauche qui croit tout savoir sur l’Eglise catholique ».


Le problème, lorsqu’il y a Concile, Consistoire ou Synode, c’est celui que Marion Cahour appelle « personnel déficient ». Non pas uniquement déficient dans le sens incompétent, mais aussi déficient spirituellement. Le clergé trop sécularisé, l’administration trop lourde et les intrigues de palais, voilà les déficiences par excellence. La gauche mono-neurone semble imaginer que le Pape François va transformer l’Eglise en une République populaire. Peut-être que la gauche mono-neurone a raison. Peut-être qu’elle a tort. Question de sortir de sentiers battus, je publie ci-dessous deux analyses « non-conventionnelles ». Je ne dis pas que j’en partage entièrement le contenu. Je dis seulement que c’est bien de sortir de sentiers battus. La première analyse se concentre sur le Vatican, la Curie romaine. La deuxième est un billet d’humeur plutôt féroce à l’endroit du Pape François.


Le chroniqueur catholique français Bernard Antony écrit (extraits adaptés ; voir lien vers source en bas de page) : Je lis avec attention les articles présentant la réforme du Vatican que François veut accomplir. Je lis aussi les réactions à son projet et notamment celle, très réticente, du cardinal Gerhard Müller, le préfet de la Congrégation pour la Doctrine de la foi. Celui-ci, à ce que j’en comprends, met l’accent sur l’erreur qui consisterait à vouloir réformer à partir d’abord de la question du « pouvoir » alors que c’est celle du « mystère » de l‘Église et de la « communion » entre Rome et les Églises locales qui a été à la base des grandes réformes.


Il rappelle que dans son histoire, si l’Église a pu dévier de sa mission, c’est « sous l’influence corruptrice de critères inspirés du pouvoir et du prestige ». Or François, pour l’heure, a évidemment pour objectif la réforme des pouvoirs. Toutes choses bien sûr très différentes par ailleurs, les schémas que l’on présente de ce qui devrait être la nouvelle organisation du pouvoir et des pouvoirs dans l‘Église me semblent pouvoir être considérés analogiquement avec ce que firent miroiter en 1917 les révolutionnaires communistes en Russie.


Leur slogan mobilisateur fut : « Tout le pouvoir aux soviets », et le nouvel ordre politique s’appela « Union soviétique ». Ce fut là un remarquable subterfuge bolchévique d’apparence démocratique. Rappelons que « soviet » est le mot russe qui se traduit par « conseil » ou par « comité ». Mais ces soviets, et les soviets des soviets, structurés par empilement pseudo-« démocratique » jusqu’au « soviet suprême » et jusqu’au « présidium du soviet suprême » et jusqu’à son bureau exécutif, ne furent dès l’origine que des émanations sans pouvoir réel de la hiérarchie parallèle mais hiérarchie véritable du parti communiste et de ses « noyaux dirigeants » selon les clairs principes léninistes.


Ainsi, à chaque niveau, la hiérarchie du PC dirigeait ou contrôlait celle des soviets. Ainsi le politburo était non seulement le noyau dirigeant du présidium du soviet suprême mais il gouvernait l’ensemble de l‘appareil d’État et toute la société soviétique. Dans la structure du gouvernement de l’Église qui aujourd’hui se dessine selon le schéma de François, le « synode » n’équivaut-il pas un peu au « soviet », depuis les synodes diocésains jusqu’aux synodes des évêques et des cardinaux ? Et le « conseil » des 9 cardinaux mis en place par François n’est-il pas comme une sorte d’émanation synodale supérieure ?


Dans les structures de l’Église, les synodes ne sont pas les seules structures pouvant ressembler à des soviets, il y a surtout, car plus systématiquement institutionnalisées, les conférences épiscopales. Selon ce qui se dessine à Rome, François veut en effet en faire bien plus que des organes de concertation et de communication. Elles semblent devoir devenir de plus en plus des instances autonomes de prise de décision et d’expression théologique, morale et sociale de l’Église. Synodes et conférences épiscopales apparaissent ainsi comme pouvant être de plus en plus des hiérarchies parallèles et donc substituées à la hiérarchie apostolique traditionnelle de l‘Église.


Mais dans cette esquisse d’analyse que je propose et qui souffre certes débat et rectification, il resterait encore en cheminant dans l’analogie à se demander où sont les structures d’influence, les pépinières de pouvoir et les noyaux idéologiquement dirigeants. En URSS, c’était celle du « parti intérieur » constitué par l’élite intellectuelle formée pour la politique par le KGB devenu FSB. Dans nos Nations, ce sont celles de cercles idéologiques discrets, souvent de caractère ésotérique et initiatique.


Pour ce qui est de l’Église catholique, il faudrait être bien niais pour croire que les fractions idéologiques organisées, qui ont tenacement œuvré au cours du siècle dernier pour sa radicale subversion, auraient disparu. Au contraire, on peut penser qu’ils se sont à nouveau renforcés, avec toujours beaucoup d’approbation jusque très haut dans la partie de la hiérarchie qu’ils influencent et sans la réaction d’une majorité trop souvent sidérée, anesthésiée, sans ressort viril, conclut Bernard Antony (fin des extraits adaptés ; voir lien vers source en bas de page).


Le chroniqueur catholique anglo-argentin Jack Tollers écrit (extraits adaptés ; voir lien vers source en bas de page) : Commençons par l'Argentine. Ne vous méprenez pas, ce n'est pas que je n'aime pas mon Pays, mais de temps à autre il vous donne envie de pleurer, comme Jésus avec le Sien, si j'ai bien compris mon Evangile. Simone Weil a dit avec justesse qu'il n'y a pas d'autre moyen d'aimer son propre pays qu'avec de la compassion. Ceci dit, ce pays est pratiquement un désastre. Dans la façon dont les Argentins perçoivent les choses, parlent, se comportent - bien ou mal - c'est un pays anormal, un endroit où on ne peut pas prendre les mot pour argent comptant, où le manque de ponctualité est la norme, où les règles de la loi son pratiquement narguées; un endroit plein de double discours, où les personnes vous donnent rarement une réponse franche, où "demain" ne se réfère pas au jour suivant, mais au jour présent : il signifie simplement pas aujourd'hui.


Ce n'est pas un endroit facile à vivre: faible logique, incohérence, manque de sérieux, courtoisie presque inexistante, fausse modestie, malhonnêteté, mauvaises habitudes et déloyauté générale sont la monnaie courante. Nous sommes en quelque sorte habitués à tout cela (et à davantage), d'une façon que votre Américain moyen ne pourrait jamais comprendre, à moins qu'il ne lui arrive d'y passer quelque temps.


Il y a plein de mots argentins qu'un étranger, qu'il soit d'Espagne, disons, ou même du Mexique, aurait du mal à expliquer: des mots comme "piola" (débrouillard), "macaneador" (menteur), "chanta" (magouilleur), et encore tant d'autres décrivent un peuple qui considère risible de tricher, piéger, escroquer, de s'en tirer coûte que coûte, que rien n'amuse plus que de casser les règles. En règle générale, les Argentins détestent les règles, et c'est la raison de leur propension à l'anarchie qui se manifeste toujours dans la sphère publique. En général les Argentins aiment faire semblant et n'ont pas de temps pour la droiture, la loyauté ou le franc-parler. Le mensonge est commun, les mots ne signifient rien, à moins d'être utilisés pour des objectifs sournois, pour une ruse, quelque arnaque ou vous jouer un tour. C'est un pays du faire semblant.


D'accord, je sais que vous pensez que j'exagère, que c'est moi, l'Argentin, qui maintenant se moque de vous, qu'aucune société ne pourrait survivre avec de tels us et coutumes, qu'il doit y avoir plus dans le pays que mon triste portrait. Et vous avez raison. Il y a plus. Si ce n'était pas pour un tas d'Argentins parfaitement honnêtes, le pays aurait pratiquement disparu depuis de décennies. A mon avis cela est surtout vrai des femmes argentines; mais non, vous pouvez trouver plein de personnes attachantes aussi parmi les hommes. Accueillants, de bonnes manières, avec une bonne éducation, courageux, on peut trouver de vaillants jeunes argentins en toute activité et école, dans tous les coins du pays. Ils sont toutefois une minorité, et, d'après moi, l'ont toujours été, ce qui contribue en grande partie à expliquer le gâchis financier, économique, institutionnel et moral qui nous caractérise en tant que pays, et je pèse mes mots.


Prenez Perón. Comme vous pouvez le savoir, il a gouverné le pays à trois reprises créant un mouvement politique, appelé, en, plus "Péronisme", qui a tenu la place par intermittence une bonne partie des derniers soixante ans. Or le péronisme n'est pas seulement un mouvement très populaire, c'est une façon de faire de la politique, de gérer le pouvoir, de faire les affaires, de voir le monde, qui est très marquée surtout de ces horribles traits argentins dont j'ai parlé. Le péronisme reflète l'ethos des classes inférieures du pays et  
Perón lui-même était un bien vilain type, croyez-moi.

Venons-en à Bergoglio. Il est un péroniste typique: ses manières, langage, style, ou, son manque, son arrière-plan social et idéologique est péroniste jusqu'au bout. Provenant des classes populaires, il étudiait la chimie lorsqu'il décida de devenir jésuite et fut ordonné dans les années immédiatement après Vatican II. Considérez l'Eglise catholique argentine, et surtout les Jésuites dans ce Pays. Si, en règle générale, le pays était peu fiable, vous ne pouvez pas imaginer quel gâchis était l'Eglise Catholique avant Vatican II, et à plus forte raison après.


Ici il faut faire une brève parenthèse. J'ai consacré la plus grande partie de ma vie à promouvoir, traduire et faire connaître les travaux d'un jésuite argentin, le Père Leonardo Castellani (1899-1981), qui est comme une grande exception: un érudit très intelligent, un prêtre sérieux et fervent, qui se consacra à la dénonciation de la situation affreuse, de l'état calamiteux de l'Eglise Catholique argentine de son temps. Bref, en 1949 il fut expulsé de la Société de Jésus d'une façon scandaleuse - à cause justement de ses plaintes et de la dénonciation publique de l'état de choses de l'Eglise locale. Il était surtout critique des curricula des séminaires, des enseignants exécrables, des pires livres et du manque total de connaissances et cela dans les années 40.


Concernant Bergoglio, ses études n'équivalent à rien de substantiel. Les Jésuites d'ici n'ont pas de professeurs dignes de ce nom, les sujets étaient rabibochés de manière non scientifique, la philosophie n'était jamais enseignée correctement. Les chaires de théologie étaient presque toutes occupées par des jésuites mal formés qui étaient enclins à répéter le dernier des travaux de Teilhard ou de Rahner, sinon à divulguer les derniers préceptes de la Théologie de la Libération. La Nouvelle Théologie n'est jamais arrivée jusqu'ici, peu de monde lisait le français ou l'allemand, et Saint Thomas était presque parfaitement ignoré. Les études des Ecritures étaient rien moins qu'une comédie. Laissez-moi vous dire, je sais de quoi je parle, le principal Collège Jésuite est situé très près d'où j'écris, un oncle Jésuite à moi y a étudié, j'y ai été des douzaines de fois, et j'ai fait une partie de mes recherches sur le Père Castellani dans leur bibliothèque - l'appeler une bibliothèque, une des plus pauvres que j'aie vues dans ce pays, et ça veut dire beaucoup.


Bergoglio ? Comment se fait-il qu'il ait été élu Pape ? Tout ce que je peux vous dire est qu'il est l'exemple parfait d'un Jésuite argentin, péroniste, de la deuxième moitié du 20ème siècle. Il a gravi les échelons de la Société de Jésus à une vitesse étonnante: considérez qu'il a été ordonné en 1969 et juste quatre ans plus tard il commandait tous les Jésuites d'Argentine comme Supérieur Provincial. Après six ans il est devenu Recteur du Collège Colejio Maximo et cela se passait entre 1980 et 1986. C'est alors qu'il se brouilla avec presque tous les Jésuites du Pays car il jouait son rôle contre Arrupe et la Congrégation Générale dans les mains de Jean-Paul II. Il fut finalement réhabilité par le Vatican et, avec l'aide de l'évêque de Buenos Aires, Mgr Quarracino, il devint son auxiliaire en 199 et finalement, lui-même évêque de Buenos Aires en 1997. En 2001 il fut fait Cardinal et Primat de ce Pays.


Donc, oui, il a joué soigneusement sa partie et en bout de ligne, il l'a emportée. Ce serait sans importance si ce n'était pour le fait que son élection est très révélatrice de la condition actuelle de l'Eglise Catholique. Mauvaises nouvelles, n'est-ce pas ? Bon, je sais que vous pensez que j'ai exagéré, que les choses ne pouvaient pas être aussi mauvaises, qu'il doit y avoir quelque chose en cet homme, notre nouveau Pape. Je ne vous ai pas convaincus, donc. D'accord, c'est ma faute. Et tout de même, un Pape argentin ! Et péroniste en plus ! J'ai hâte de reconnaitre que tout est assez incroyable, mais d'ailleurs l'abdication de Benoît l'est aussi, et sa conduite successive. Ce sont des temps vraiment étranges, conclut Jack Tollers (fin des extraits adaptés ; voir lien vers source en bas de page).


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Sources :




   
   

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