Michel
Garroté -- Ci-dessous, je reproduis - intégralement - une
récente analyse de Michel Gurfinkiel (photo) intitulée « Israël, envers et contre
tout ». Je profite de l’occasion pour écrire - une fois encore - qu’en France,
depuis cinquante ans, il est pratiquement devenu impossible de publier, sur l’Etat
hébreu, des analyses qui ne soient pas radicalement pro-palestiniennes, et, de
ce même fait, foncièrement anti-israéliennes.
J’ajoute
que Michel Gurfinkiel -- avec Bat Ye’or, Gilles-William Goldnadel,
Alexandre Del Valle, Pierre-André Taguieff, Rafael Drai, Shmuel Trigano et
Philippe Karsenty -- fait partie du club très courageux et très
restreint de celles et ceux qui refusent de participer à l’israélophobie, très
en vogue en France, depuis un demi-siècle.
Israël
est un Etat légitime, un Etat de droit, un Etat libre et démocratique. Sa
superficie est minuscule dans une région gigantesque, le Moyen-Orient. Malgré
cela, le monde arabo-musulman appelle à l’anéantissement pur et simple de ce pays,
avec la complicité active de 99% des journalistes européens.
L’antisionisme,
qu’il soit d’extrême-gauche ou d’extrême-droite, était dès sa naissance et
demeure aujourd’hui, une idéologie clairement judéophobe qui diabolise les
Juifs Israéliens. La politique arabophile et islamophile de l’Europe en général
et de la France en particulier est la cause principale de l’israélophobie
ambiante. Dans ce cadre, le titre de l’analyse de Michel Gurfinkiel, à lui
seul, résume le problème : « Israël, envers et contre tout ».
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Michel
Gurfinkiel -- Le 29 novembre 1947, l’Onu partage la
Palestine en deux Etats, l’un juif, l’autre arabe, et une zone
internationale de Jérusalem, corpus separatum destiné à durer dix ans au moins.
La Palestine – 28 000 kilomètres carrés – avait été érigée en 1920 par la
conférence internationale de San Remo en « Foyer national juif ». La
Société des Nations, prédécesseur de l’Onu, avait entériné cette décision en
1922, et confié l’administration du territoire, par « mandat »,
à la Grande-Bretagne. Mais celle-ci vient d'annoncer que sa mission prendra fin
le 15 mai 1948 à zéro heure.
Michel
Gurfinkiel : « Le vote eut lieu à Lake Success, dans l’Etat de New
York, où les Nations Unies tenaient leurs assisses », écrira Ariel
Sharon dans ses Mémoires. L’homme qui deviendra général, ministre puis premier
ministre n’est alors qu’un garçon de vingt ans. « Ce soir-là, j’étais par
hasard à la maison et j’écoutais la radio avec mes parents. L’un après l’autre
les délégués votaient. Nous additionnions tous les trois : une colonne
pour les pays qui approuvaient le plan de partage, une autre pour ceux qui le
rejetaient, une troisième pour les abstentions. Soudain, nous hurlâmes de joie :
le total de la première colonne venait de dépasser la majorité absolue. Le plan
avait été ratifié. L’Etat d’Israël était donc un fait accompli. Tous les
habitants de Kfar Malal se retrouvèrent immédiatement dans la rue principale du
village, et se lancèrent dans une ronde endiablée. Quand David Ben Gourion a
proclamé l’indépendance, six mois plus tard, je n’ai pas ressenti d’émotion.
L’essentiel s’était passé à Lake Success … ».
Michel
Gurfinkiel : L’Etat juif délimité par l’Onu n’est pourtant qu’une enfilade
d’enclaves (Galilée orientale, Carmel, plaine côtière du Sharon) reliées entre
elles par de minces corridors. Il ne regroupe qu’une partie de la population
juive de Palestine, puisque Jérusalem, où les juifs sont majoritaires depuis le
milieu du XIXe siècle, n’en fait pas partie. Si l’on ne considère que la
Palestine « utile », habitée, l’Etat arabe, qui réunit la
Cisjordanie, la Galilée occidentale, Jaffa, Gaza, est mieux loti. L’Etat juif
ne semble plus vaste sur le papier que parce qu’on lui a attribué le Néguev, le
grand désert du sud. Mais pour les juifs de Palestine et ceux du reste du
monde, c’est le principe même d’une souveraineté politique qui compte. Après
l’Holocauste, il faut un Etat, n’importe quel Etat, de n’importe quelle
superficie.
Michel
Gurfinkiel : Le Haut Comité arabe de Palestine refuse le plan de partage.
Ce que le peuple arabe palestinien lui-même en pense, personne ne le sait. Et
cela compte très peu. Il vit en deçà de toute forme de démocratie, dans un
univers de clans, de confréries, de communautés ethno-religieuses, où le débat
ne sert pas à dégager des opinions, mais à évaluer des rapports des
forces. Les musulmans sont prisonniers du mieux-disant islamique :
est bon musulman celui qui guerroie pour l’islam, ou feint de le faire ;
et les oulémas interdisent de céder aux non-musulmans une terre qui est ou a
été musulmane. Les chrétiens sont prisonniers du mieux-disant
nationaliste : le monde arabe est destiné à se regrouper au sein d’un seul
et même Etat-Nation : est bon nationaliste arabe, qu’il soit d’origine
musulmane ou chrétienne, celui qui rejette le moindre compromis sur la patrie
future. Chaque clan, chaque confrérie, chaque communauté ou
sous-communauté, doit se placer sur l’échiquier politique en fonction de
ces paramètres. Quitte à changer de ligne dès que le rapport des forces se
modifie.
Michel
Gurfinkiel : Les Etats arabes voisins – l’Egypte, le Mashreq – refusent la
partition en fonction de leurs intérêts et de leurs ambitions. La Syrie rêve de
reconstituer une Grande Syrie – al-Sham, le Pays de Sham - à son profit.
L’Egypte, en intervenant en Palestine, de redevenir une grande puissance
régionale, comme sous Méhémet Ali et le khédive Ismaïl, au début du XIXe
siècle. La Transjordanie hachémite, ultime reliquat de l’équipée de
Lawrence d’Arabie entre 1915 et 1917, veut s’emparer de la Cisjordanie, où la
plupart des paysans, même chrétiens, ne sont en fait que des Bédouins
sédentarisés, liés à ses propres Bédouins, par le sang et des mariages
sans cesse renouvelés. Ultimes adversaires du plan de partage : les Britanniques.
Lors de la déclaration Balfour, en 1917, puis de la mise en place du mandat de
la SDN, en 1922, ils jouaient la carte juive, dans une logique du XIXe
siècle : diviser pour régner, se poser en protecteurs généreux des
minorités. Mais dans les années 1930, ils ont opéré une révision géopolitique.
A leur ancien système colonial, axé sur l’exploitation du sous-continent indien
et de l’Extrême-Orient, ils veulent désormais en substituer un autre, reposant
sur le pétrole du Moyen-Orient et les minerais africains. Dans ce nouveau
dispositif, la Ligue arabe, fondée en 1945, doit jouer le rôle que le Raj,
l’Empire des Indes, a tenu dans l’ancien : une fédération d’Etats
prétendument autonomes ou indépendants, dont Londres sera l’arbitre. Une guerre
panarabe pour la Palestine - reposant en fait sur deux armées formées ou
encadrées par les Britanniques : l’armée égyptienne, issue pour
l’essentiel des forces anglo-égyptiennes du Soudan, et la Légion arabe de
Transjordanie, commandé par le Britannique Sir John Glubb, dit Glubb Pacha –
permettra de cimenter l’opération.
Michel
Gurfinkiel : La guerre contre le futur Etat juif commence dès le 30
novembre 1947. Des unités « irrégulières » égyptiennes, syriennes et
même irakiennes commencent à s’infiltrer, sous l’œil absent des troupes
anglaises. Les atrocités se multiplient. Le 16 mars 1948, un convoi quitte
l’hôpital juif Hadassah, sur le mont Scopus : dix véhicules chargés de
médecins, d’infirmières, de patients, de matériel médical, de caisses de
médicaments. A 9 heures 45, il est attaqué à la mitrailleuse par des unités
« irrégulières » arabes. Cinq véhicules parviennent à s’échapper du
traquenard. Cinq sont détruits, puis incendiés. Bilan : soixante-dix-neuf
morts, dont vingt femmes. Les troupes britanniques ont assisté à la scène sans
intervenir. Les organisations militaires juives - quasi-officielles comme la
Haganah et son « fer de lance », le Palmakh, ou dissidentes, comme
l’Irgoun et le Lehi - se concertent. Ben Gourion veut imposer un commandement
unique dès le 15 mai. L’Irgoun et le Lehi acceptent le principe d’une telle
fusion, mais observent qu’il est difficile de la réaliser d’emblée sur le
terrain. Un embryon d’état-major général se met toutefois en place. La partie
sera difficile, mais non désespérée. Dans un premier temps, les Juifs pourront
aligner 40 000 combattants, dont beaucoup ont servi dans les forces alliées
pendant la Seconde Guerre mondiale. Soit autant que les pays arabes voisins.
Dans un deuxième temps, ils pourront mobiliser jusqu’à 100 000 combattants des
deux sexes. Et peut-être même plus, si les immigrants affluent. Mais le Yishuv
n’a ni armes lourdes, ni munitions, ni personnels expérimentés au niveau des
états-majors.
Michel
Gurfinkiel : Des émissaires partent dans le monde entier. En France où,
par un étrange renversement des choses, l’antisionisme traditionnel a laissé la
place depuis 1945 à une forte sympathie pour les sionistes, aussi bien à gauche
qu’à droite (un certain ressentiment anti-anglais semble jouer). En URSS, où
Joseph Staline a décidé de soutenir provisoirement les Juifs, afin d’affaiblir
les Britanniques. En Suisse. En Suède. Aux Etats-Unis. En Amérique latine. Thadée
Diffre, jeune Français, catholique pratiquant, s’engage dans la Haganah. Il a
fait partie, pendant la Seconde Guerre mondiale, de la colonne Leclerc, avec le
rang de capitaine. Ce qui l’a amené à séjourner pendant quelque temps à
Tel-Aviv, base arrière britannique. Une expérience décisive. Son cœur et ses
yeux de croyants lui font comprendre immédiatement ce qui était en jeu. Quand
il débarque à Haïfa, en avril 1948, la situation militaire d’Israël lui paraît
« pratiquement désespérée ». Nomme rav-seren, commandant, il prend –
sous le nom de Teddy Eytan - la tête du bataillon 75, composé presque
uniquement de francophones : Français, Belges, Juifs d’Afrique du Nord.
Cette unité joue un rôle décisif dans la conquête du Néguev. Revenu en France,
il est tenté par la politique, mais meurt prématurément dans un accident
d’automobile, en 1971. Il aura eu le temps de publier lui aussi un livre de
souvenirs. Voici ce qu’il écrit le 29 avril 1948, quinze jours avant le départ
des Britanniques : « Les Arabes occupent presque toute la Palestine…
Tous les kibboutz sont encerclés… L’ennemi a des automitrailleuses, des canons,
des avions… Nous sommes une poignée, mal organisés, mal entraînés, mal équipés.
Nous nous appuyons sur une population de quelque 700 000 individus. Nous tenons
une bande côtière d’environ cent dix kilomètres sur dix... Nous résistons dans
un tiers de Jérusalem… En face, occupant les neuf dixièmes de la Palestine, les
armées de la Ligue arabe, ravitaillées, entraînées par les Anglais, soutenues
par trente-huit millions d’habitants… ».
Michel
Gurfinkiel : Il est un poste au moins, au sein de la future armée
israélienne, pour lequel la Haganah est prêt à payer un étranger 5000 dollars
au moins : celui de chef d’état-major. Un homme qui aurait une vision
globale, stratégique, des combats en cours, qui saurait gérer à la fois les
opérations, les matériels, les ressources humaines. Début 1947, David Ben
Gourion a demandé à David Daniel Marcus, dit Mickey Marcus, un colonel
juif de l’Armée de terre américaine, de recruter un « conseiller militaire
spécial ». Marcus ne trouve personne. Il décide alors de se porter
lui-même volontaire, sans solde. Le Pentagone lui ayant accordé un congé
exceptionnel, il est arrivé en Palestine en janvier 1948, avec un faux
passeport établi au nom de Michael Stone. Marcus a quarante-six ans. Mais il a
déjà vécu plusieurs vies. Fils d’immigrants est-européens, né à Brooklyn, il
est admis en 1920 à l’académie militaire de West Point : à cette époque,
c’est pour les garçons américains d’origine modeste un moyen de faire des
études supérieures. Libéré de l’Armée en 1924, il devient avocat, puis procureur
fédéral : il fait partie de l’équipe d’ « incorruptibles »
qui, dans les années trente, met en accusation de nombreux parrains mafieux,
notamment le célèbre Lucky Luciano. Quand les Etats-Unis entre en guerre, en
décembre 1941, il est affecté, en tant qu’officier de réserve, à d’importantes
fonctions d’état-major : adjoint du gouverneur militaire de Hawaii,
directeur de l’Ecole des Rangers, spécialisée dans les opérations
non-conventionnelles, membre de l’état-major opérationnel en Normandie, membre
de la Haute Administration alliée à Berlin, et enfin directeur de l’aide
alimentaire d’urgence pour l’Allemagne occupée. A travers cette dernière
affectation, il découvre les camps de concentration nazis, l’Holocauste :
quand le haut commandement américain cherche un officier juriste pour diriger
les recherches sur les crimes de guerre, il se porte candidat – et est accepté.
L’une de ses missions sera de préparer les dossiers d’accusation pour le procès
de Nuremberg.
Michel
Gurfinkiel : En Palestine, Mickey Marcus met immédiatement sur pied une
structure nationale d’analyse et de commandement stratégique. Les deux points
faibles du pays, selon lui : Jérusalem et le Néguev. Début mai, une partie
des dirigeants juifs de Palestine hésitent à proclamer l’indépendance. C’est le
12 mai seulement que le Minhal HaAm (Administration du Peuple), une sorte de
gouvernement virtuel, prend cette décision : par six voix contre quatre. Reste
à peser les termes de la proclamation. Des discussions byzantines se déroulent
à ce sujet au siège du Fonds foncier juif, à Tel-Aviv : quel nom donner au
futur Etat, faut-il en préciser les frontières, doit-on mentionner la Shoah,
dénoncer les Britanniques, invoquer Dieu ? Le texte définitif n’est prêt
que le 14 mai, en début d’après-midi. Un vendredi, veille de Shabbath. Ben
Gourion a décidé de proclamer l’indépendance à 16 heures. Jérusalem étant
assiégée et isolée, c’est au musée de Tel-Aviv que se déroulera la cérémonie.
Huit heures avant la fin du mandat britannique, qui doit prendre effet en
pleine nuit, quand le saint Shabbath aura déjà commencé. L’événement a été
préparé dans une semi-clandestinité : on redoute que les Britanniques
n’interviennent au dernier moment pour l’interdire.
Michel
Gurfinkiel : Zeev Sherf, le secrétaire général du Minhal HaAm, doit apporter
le texte de la déclaration. Il ne possède pas de voiture et a oublié de
commander un taxi. Un véhicule accepte de le prendre en auto-stop ; mais
le conducteur n’a pas son permis, comme on le constate rapidement lors d’un
contrôle pour excès de vitesse. Pour poursuivre son voyage, Sherf est contraint
de décliner son identité à l’agent de police et de préciser l’objet de son
déplacement. Le véhicule est finalement autorisé à repartir. Sherf arrive au
musée à 15 heures 59 : à une minute près, il était en retard. Les deux
cents cinquante invités – certains sont en habit et haut de forme, d’autres en
bras de chemise – entonnent l’hymne juif, la Hatikvah (« L’Espoir »).
David Ben Gourion lit la Déclaration d’Indépendance et demande à un rabbin,
Yehudah Leib Fishman, de prononcer la bénédiction appropriée : Shehéhiyanu
(« Béni soit l’Eternel qui a nous a fait vivre jusqu’au moment
présent »). Des réjouissances populaires ont lieu dans toutes les
localités juives du pays ; mais six pays arabes entrent officiellement en
guerre contre le nouvel Etat.
Michel
Gurfinkiel : A minuit onze, le président américain Harry Truman reconnaît
Israël de facto (prenant de vitesse son cabinet, qui est d’un avis opposé). Le
jeune chah d’Iran, Mohamed Reza Pahlavi, l’imite immédiatement. Staline accordera
une reconnaissance de jure deux jours plus tard. En dépit de la sympathie dont
Israël jouit dans l’opinion française, le Quai d’Orsay ne condescendra à le
reconnaître qu’un an plus tard, en 1949, conclut Michel Gurfinkiel.
Reproduction
autorisée avec mention :
Et
mention source :
©
Michel Gurfinkiel 2015
Cet article me tire des larmes aux yeux. Je suis trop jeune pour avoir vécu et compris tout cela (je suis né en 1946) mais je suis sûr d'une chose : ISRAËL VIVRA !!
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