mardi 6 janvier 2015

France - Justice et éthique en roue libre



 

 
Lucien SA Oulahbib  --  Les photos de détenus publiées sur Facebook intitulées "MDR ô Beaumettes" symbolisent bien cette force de démonstration tranquille que possède la réalité sur tous les débats idéologiques. La réalité ou Résultat,  soulignait Hegel, possède ce "quelque chose en plus", disait Kant, à toute représentation a fortiori prévisionnelle. Ainsi, l'on croyait que le débat se situait en matière carcérale entre des supposés réactionnaires voulant enfermer à tout prix et des supposés progressistes soucieux de l'individualisation de la peine et de la réhabilitation du détenu via ladite "contrainte pénale" plutôt que la prison pour les peines de moins de cinq ans (la victime, elle, passe en second plan comme je l'ai montré, par de nombreux exemples, dans mon livre sur la question).

Or, il s'avère que les détenus n'en veulent pas ! et ces photos le démontrent amplement. Un récent témoignage sur France Info indiquait que le détenu interviewé préférait la prison parce qu'en contrainte pénale il se devait de suivre les conseils d'un psy, chercher un travail, bref mener une vie "normale" alors qu'en prison relate la déléguée FO pénitentiaire à BFMTV Catherine Forzi, du syndicat pénitentiaire Force Ouvrière : "La sécurité n'existe plus aujourd'hui. On ne peut plus fouiller les détenus depuis l'article 57 (de la loi pénitentiaire de 2009, NDLR), et c'est la porte ouverte à tout, tout rentre au sein de la prison. On voit cela aujourd'hui, mais on ne sait pas ce qui pourrait rentrer un autre jour. Ca devient dangereux". La responsable syndicale a par ailleurs évoqué, dans les colonnes de La Provence, le fait que les détenus "ont tous des téléphones portables, le sport, l'école, des activités, la télévision avec en prime Canal+, alors que la majorité des gens à l'extérieur n'ont pas les moyens de se payer l'abonnement". "Ce n'est plus une prison, c'est un centre de vacances", regrette-t-elle.

On peut bien sûr relativiser ce témoignage, parler toujours de "domination", d'"enfermement" dans les colloques concernant la prison alors que d'anciens spécialistes en criminologie (lorsque celle-ci existait encore comme discipline à part entière – on lui a refusé sa place à l'Université dernièrement-au lieu d'être remplacé par la sociologie pénale) expliquaient que ce qui se passe en prison n'a rien à voir avec le phénomène carcéral et bien plus avec la vie sociale tramée de recherche du pouvoir des richesses et du prestige. Mais en France (comme aux USA jusque dans les années 80) on s'arcboute sur l'idée fausse que la notion de sanction doit être allégée alors qu'elle symbolise le prix à payer lorsque l'on rompt le pacte social celui de la citoyenneté c'est-à-dire l'égalité des droits et la liberté de jouir de ses biens.

Ce n'est pas tout. Observez que non seulement les juges décident en matière pénale, en matière économique, mais aussi en matière architecturale : ainsi alors que les voix,  s'indignant naguère que la cour carrée du Louvre se trouvât violentée avec la venue des trois pyramides de verre, avaient été traitées là aussi de voix réactionnaires, le fait que des juges "administratifs" estiment aujourd'hui  que la façade de verre prévue pour la rénovation de l'immeuble de la Samaritaine entre en "dissonance" avec l'environnement haussmanien, n'a par contre  guère été critiqué par les grands gardiens et maîtres de cérémonie de l'idéologie dite "progressiste" qui s'avère être en fait une idéologie moralisatrice ennuyeuse et poussiéreuse à souhait comme s'en moquent à juste titre les détenus des Baumettes qui ne font que rappeler le réel humain.

On peut multiplier les exemples (aéroports, central park, autocars dénigrés par une Duflot hors sol), jusqu'à peut-être se demander si ces excès de moralisme crémeux ne viennent pas cacher un vide et un cynisme sidéral repérable à la fois dans la décomposition des moeurs, telles qu'acheter et vendre des enfants (via la GPA autorisée de fait par la circulaire Taubira) voire accepter que l'on puisse se débarrasser d'un foetus humain (jusqu'à six mois aux Pays Bas, au Canada, en Espagne, trois mois et demi en France) comme l'on noie au fond un petit chat en surnombre (remarque justement Chantal Delsol dans une récente tribune de V.A). Sauf que dire cela, du moins poser la question vous catalogue d'emblée de "réactionnaire" alors que la réalité encore une fois est bien plus complexe, ainsi une Florence Aubenas dans livre " En France" a relaté sur Europe 1 qu'elle a interviewé une jeune fille de 16 ans expliquant que le bébé qu'elle portait avait été sa "solution" pour stabiliser une vie chaotique alors qu'avorter n'aurait fait peut-être que l'empirer. Dire cela n'implique pas de revenir sur la loi Veil mais souligne déjà que cet acte n'est pas une simple opération, de plus il semble bien que les faiseuses d'ange continuent de sévir car les dépassements de délais abondent, ce qui implique que les voyages en Belgique aux Pays Bas ne ralentissent pas.

Pourquoi rappeler cela ?… Parce qu'il existe sans doute une saturation de la banalisation technique des affaires humaines, tant et si bien d'ailleurs que l'on voit émerger d'un côté une volonté néo-naturaliste de préserver "la" nature telle qu'elle est supposée rester, vierge de toute empreinte humaine, de l'autre côté émerge une volonté néo-dogmatique désireuse de voire des interdits éthiques effectifs contrôler la faiblesse humaine.

Ainsi l'engouement pour le djihadisme et aussi l'amalgame entre islam et (nord)africains viennent dialectiquement se nourrir l'un/l'autre dans une attraction/répulsion qui débouche sur le face à face Houellebecq/Zemmour, Houellebecq faisant le constat de ce vide sidéral de transcendance autrefois comblée par les idées de République et de Révolution et considérant somme toute que l'islam est la pire des religions à l'exception de toutes les autres, Zemmour expliquant que le béni oui-oui de la génération 68 (par exemple la notion d'altérité a été émasculée au profit de la seule différence à respecter alors que terme inclut aussi la confrontation à la façon du potlatch don/contre don bien vu par Marcel Mauss) a débouché en effet sur une dislocation progressive dudit "vivre ensemble" ; sauf que lorsqu'il parle "des" musulmans en nombre il amalgame tous les originaires d'Afrique (du Nord) qui tentent précisément de s'éloigner de l'islam sur la pointe des pieds ou du moins de la voir à l'instar des chrétiens comme tradition culturelle sauf que les intellectuels post tiersmondistes, néo-orientalistes, et les politiques les renvoient à cette origine cultuelle (et "arabe") en leur construisant des mosquées en veux-tu en voilà en les forçant en quelque sorte à rester "fidèles" à leur différence identitaire supposée, identité pourtant critiquée comme notion par les mêmes au nom d'une lutte contre "l'essentialisme" qu'ils encouragent pourtant en réalité.

En fait les pourfendeurs des Houellebecq/Zemmour (qui dominent les médias l'Université et les politiques) sont les meilleurs alliés objectifs du nihilisme technocratique et du totalitarisme djihadiste aujourd'hui en roue libre.

Reproduction autorisée avec mention :

Lucien SA Oulahbib - http://www.resiliencetv.fr/
  

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