mercredi 28 janvier 2015

Les services secrets ont-ils assassiné Alberto Nisman ?



 

 
Michel Garroté  --  L'ombre des services plane sur l'affaire Alberto Nisman, procureur mort mystérieusement le 18 janvier, et la présidente a annoncé qu'elle allait faire le ménage et dissoudre le Secrétariat au renseignement (SI, ex-SIDE) pour créer une Agence fédérale du renseignement (extraits adaptés ; voir lien vers source en bas de page) : le constat de la présidente est partagé par des figures de l'opposition. La députée Patricia Bulrich, du parti conservateur PRO, a décrit "un monde sous-terrain incontrôlé", préconisant une réforme en profondeur du SI au lendemain de la mort du procureur. L'affaire Nisman a affaibli la présidente, car elle était directement accusée d'entrave à la justice par celui-ci, et les partisans du gouvernement estiment que la mort du magistrat est un coup monté des services. "Ils l'ont utilisé vivant, et ensuite, ils ont eu besoin de lui, mort", a accusé la présidente.

Au siège du SI, au numéro 11 de la rue du 25 Mai, à quelques dizaines de mètres du palais présidentiel, Cristina Kirchner avait mis le feu aux poudres en décapitant les services secrets en décembre. "La décision de remplacer en décembre les trois principaux dirigeants du SI a provoqué un grand traumatisme. Je ne sais pas si les services ont quelque chose à voir avec la mort de Nisman, mais certains sont furieux contre Kirchner et capables de nuire", a confié à l'AFP un ancien fonctionnaire de la SIDE. Le plus célèbre d'entre eux est Antonio Horacio Stiles, connu comme Jaime Stiusso. Il était le patron opérationnel du SI, celui qui connait tous les dossiers et les arcanes de la maison, où il était entré en 1972. L'expédier à la retraite est perçu en interne comme un crime de lèse-majesté. Directeur des opérations de la SI et chargé du dossier AMIA, un attentat contre une mutuelle juive qui avait fait 85 morts en 1994 et sur lequel enquêtait aussi M. Nisman, il voyait défiler les patrons "politiques" tout en conservant le pouvoir réel sur ses troupes.

Alors qu'il était très lié au procureur, que son nom a été cité dans la procédure et qu'il est pointé du doigt par Cristina Kirchner, M. Stiusso n'a pas été convoqué par la procureure qui enquête sur la mort d'Alberto Nisman. Pour la politologue Claudia Guebel, "depuis la fin de la dictature, jamais personne n'a pu mettre de l'ordre dans le Secrétariat au renseignement, qui brasse des anciens de la dictature et des agents qui ont grandi en démocratie". Claudio Lifschitz, proche collaborateur du juge Juan José Galeano, chargé du dossier AMIA de 1994 à 2003, a dénoncé sans relâche "la participation d'agents de renseignement à l'attentat de l'AMIA et jamais", regrette-t-il, "la justice fédérale ne les a entendus dans le cadre de l'enquête". "Peut-être par peur", ajoute-t-il, ou comme beaucoup l'affirment, "parce que le lien existant entre la justice et les services de renseignement est très étroit".

Pour avoir fait entrave à l'enquête sur l'attentat qui a frappé l'AMIA, le bâtiment rassemblant les associations juives de Buenos Aires, le président Carlos Menem (1989-1999), le juge Galeano et le patron du SIDE dans les années 1990, Hugo Anzorreguy, seront jugés et attendent la date de leur procès. Dans l'affaire Nisman, chargé du dossier AMIA depuis 2004, l'enquête semble piétiner. Le premier inculpé est un informaticien de 35 ans, Diego Lagomarsino, homme de confiance du procureur, à tel point que ce dernier lui avait demandé de lui fournir une arme. Il l'a fait et il est mis en cause par le parquet. La presse argentine lui prête un lien avec le SI et la procureure n'exclut pas d'étendre son inculpation (fin des extraits adaptés ; voir lien vers source en bas de page).

Quelques jours avant son décès, Alberto Nisman a en donc accusé publiquement la présidente Cristina Kirchner et six autres personnes d'être les auteurs d'un "plan criminel" visant à couvrir la responsabilité de l'Iran dans cet attentat en échange d'accords commerciaux (extraits adaptés ; voir lien vers source en bas de page) : il a également demandé l'ouverture d'une enquête contre la présidente. Après ces révélations, le parlement argentin l'a convoqué le 19 janvier pour présenter son dossier d'accusation. Or celui-ci a été monté en partie avec des informations récoltées par les services de renseignements argentins, et notamment un de ses membres influents, Jaime Stiusso. Ce dernier aurait fourni à Nisman des écoutes téléphoniques censées prouver la responsabilité de l'Iran d'une part, et celle de la présidente argentine d'autre part. Problème, ces éléments à charge sont sujets à caution. Et le décès brutal d'Alberto Nisman, à la veille de sa convocation, ouvre la porte a bien des hypothèses. Sans qu'il soit aujourd'hui possible de trancher.

Dans un message envoyé avant sa mort, Alberto Nisman avait écrit: "Plus tôt que tard, la vérité triomphera... J'ai confiance en moi. (...) Ah! Je précise au cas où, que je ne suis pas devenu fou. Malgré tout, je me sens mieux que jamais." Par ailleurs, des éléments de l'enquête comme l'absence de résidus de poudre sur les doigts de la victime viennent également mettre en doute l'hypothèse du suicide.

Un assassinat pour protéger la présidente ? De son côté, l'opposition s'est bien sûr étonnée de la mort du procureur, un jour avant sa convocation devant les députés. Elle soutient la thèse de l'assassinat commandité par des services secrets restés fidèles à la présidence afin d'éviter des révélations dangereuses pour Cristina Kirchner. Une partie de l'opinion publique et de la presse en Argentine s'interroge sur cette hypothèse, d'autant qu'un accès inconnu et non surveillé à l'appartement du procureur a été découvert au cours de l'enquête. Reste à la mort d'Alberto Nisman avait peu de chance de passer inaperçue. Et qu'elle donne au contraire plus de visibilité à ses accusations, qui ont été mises en ligne sur Internet.

Une opération de déstabilisation de la présidente ? La présidente Cristina Kirchner, contrairement au gouvernement, pense elle aussi à un assassinat par des membres des services secrets. Mais pas des agents à sa solde. Elle met en cause les responsables qui ont fourni des informations à Alberto Niesman. Sur Facebook, elle a écrit: "Le suicide (j'en suis convaincue) n'a pas été un suicide. (...) Ils l'ont utilisé vivant et ensuite, ils avaient besoin de lui, mort". Selon cette hypothèse, le meurtre serait lié au limogeage, en décembre, de plusieurs dirigeants des services de renseignement, parmi lesquels le contact du procureur, Jaime Stiusso. Désireux de se venger, ils auraient poussé le procureur à faire ses révélations pour déstabiliser le pouvoir en place, avant de lui révéler que ses preuves étaient fausses. Dans ce scénario, Alberto Nisman aurait pu être liquidé, voire poussé au suicide, selon une variante encore plus machiavélique.

Quoi qu'il en soit, toutes les pistes sont désormais suivies dans le cadre de l'enquête officielle. Seule certitude, les services secrets argentins, qui n'ont pas fondamentalement changé depuis la dictature militaire, ont joué un rôle nauséabond. Cristina Kirchner a annoncé la dissolution du principal d'entre eux, le Secrétariat au renseignement pour créer une Agence fédérale du renseignement (fin des extraits adaptés ; voir lien vers source en bas de page).

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