Daniel
Henninger pour le Wall Street Journal
-- Un texte a été adopté à
Lausanne, le 3 avril 2015, par le Groupe des 5 + 1 et l'Iran. C'est un bouclier
qui garantit à Téhéran la poursuite de son programme dans l'immunité. L'exemple
de la Corée du Nord (Note de Michel Garroté - Grande alliée nucléaire et balistique
de l’Iran depuis des décennies) est particulièrement édifiant à cet égard. Les négociations nucléaires avec la Corée du Nord prouvent que
le programme de l'Iran ne manquera pas de se poursuivre, qu'il y ait ou pas un
accord. Si l'on se fie aux critères de bonne foi nucléaire de Barak Obama et de
John Kerry, la Corée du Nord était un État modèle en 1992. En 1985, la Corée du
Nord avait signé le Traité de non-prolifération des armes nucléaires. En 1992,
et elle cosignait en compagnie de la Corée du Sud une déclaration conjointe
proclamant la «dénucléarisation» de la péninsule coréenne. La Corée du Nord
signa par la suite un accord de contrôle avec l'Agence internationale pour
l'Énergie atomique (AIEA). Dans les mois qui suivirent, l'AIEA décelait des
«irrégularités» dans le programme nucléaire de la Corée du Nord.
Ce qui
suit est un résumé des négociations poursuivies pendant un quart de siècle avec
la Corée du Nord. Il est basé sur la chronologie
reconstituée par l'Association pour le Contrôle des Armements. Ce qui va se
produire à Lausanne ne marchera pas. Aucun accord ne stoppera l'Iran. Des
accords successifs, et des négociations en série, n'ont pas stoppé la Corée du
Nord. Après des négociations avec la Corée du Nord, et suite à des rapports de
la CIA révélant que ce pays avait séparé assez de plutonium pour une ou deux
armes nucléaires,-les États-Unis et la Corée du Nord signèrent en 1994 un
Accord-Cadre à Genève. Comme la Corée du Nord promettait de renoncer à ses
capacités de production d'armes nucléaires, l'Accord-Cadre a été célébré comme
un succès diplomatique majeur de la présidence Clinton.
En
1996-97, les États-Unis négociaient avec la Corée du Nord sur la prolifération
des missiles balistiques. Le 31 août 1998, la Corée du Nord lança le missile
Taepo Dong-1 d'une portée d'environ 1.200 miles (2.000 km). Le missile survola
le Japon. Les Renseignements américains admirent qu'ils avaient été « surpris »
par le troisième étage du vecteur balistique Paekdosan-1. Néanmoins, des
négociations s'ouvrirent en décembre sur un cas de suspicion d'usine nucléaire
souterraine. Une équipe d'inspecteurs américaine se rendit sur le site de
l'usine à Kumchang-ni et ne constata aucune violation de l'accord-cadre.
En
2000, l'administration Clinton interrompit les sanctions économiques. Kim Jong
II affirma à la secrétaire d'État Madeleine Albright en visite qu'il ne ferait
plus de tests du missile à longue portée Taepo Dong-1. Le septième cycle de
négociations sur les missiles se tint en Malaisie. En 2001, le nouveau
président américain George W Bush s'engagea à ouvrir des négociations « sur le
fond ». En octobre 2002, les États-Unis déclaraient que la Corée du Nord
admettait l'existence d'un programme secret d'enrichissement militaire de
l'uranium. Le responsable du département d'État, Richard Boucher, le qualifia
de «sérieuse violation» de l'Accord-Cadre.
La
Corée du Nord interdit alors tout accès de l'AIEA à ses installations
nucléaires, quitta le Traité de non-prolifération et relança un réacteur
nucléaire. Les négociations reprirent à Pékin en avril 2003. La Corée du Nord
déclara qu'elle possédait des armes nucléaires mais qu'elle démantèlerait ses
«installations nucléaires» en contrepartie de pétrole et de nourriture. En
février 2005, le ministre des affaires étrangères de la Corée du Nord déclara à
nouveau que son pays avait produit des armes nucléaires. Quelques mois plus
tard, les Coréens affirmèrent qu'ils étaient prêts à abandonner «toute arme
nucléaire» et à rejoindre le Traité de non-prolifération. Un nouveau cycle de
négociations commença.
Le 4
juillet 2006, la Corée du Nord tira sept missiles balistiques, dont l'un était
nouveau, le missile à longue portée Taepo Dong-2. Le Département d'État
qualifia ce lancement de « provocation. » La résolution 1695 du Conseil de
sécurité de l'ONU condamna les Coréens. En octobre, la Corée du Nord procéda à
l'essai d'un engin nucléaire souterrain. Le Conseil de sécurité adopta la
résolution 1718. Des négociations à six reprirent à Pékin. La Corée du Nord
déclara qu'elle mettrait un terme à ses activités contre des livraisons
massives de pétrole. Elle obtint le pétrole exigé. En mars 2007, les États-Unis
donnèrent leur accord à une première demande de la Corée du Nord d'un dégel de
25 millions de dollars sur ses avoirs détenus par la banque Delta Asia à Macao.
En 2008, le président Bush supprima la Corée du Nord de la liste des pays
soutenant le terrorisme.
En
janvier 2009, la Corée du Nord déclara que ses stocks de plutonium étaient «
déjà militarisés. » Nous sommes à présent dans la présidence Obama. En avril,
la Corée du Nord lança le missile à longue portée Unha-2, ce qui entraîna une
condamnation du Conseil de sécurité. La Corée du Nord déclara qu'elle n'était
plus « liée » par les accords antérieurs. Le 25 mai 2009, la Corée du
Nord procédait à un second essai nucléaire souterrain. Le Conseil de sécurité
adoptait à l'unanimité la résolution 1874. Le Département d'État déclara que
les États-Unis voulaient «des discussions bilatérales avec la Corée du Nord.»
En novembre 2010, la Corée du Nord annonçait sa possession d'une usine
d'enrichissement d'uranium dotée de 2000 centrifugeuses.
Au
début 2012, l'administration Obama offrait de donner 240.000 tonnes de
nourriture en contrepartie d'un dispositif «de contrôle strict.» À la fin de
l'année, la Corée du Nord lançait un missile balistique de longue portée que le
Conseil de sécurité condamna pour violation des Résolutions 1718 et 1874. Au
début 2013, un groupe de contrôle détecta une activité ayant « toutes les
caractéristiques d'une explosion » sur le site des essais nucléaires
souterrains de la Corée du Nord. Le Conseil de sécurité adopta la Résolution
2094. En novembre dernier, le ministre des affaires étrangères russe Sergueï
Lavrov déclara que la Corée du Nord était prête à reprendre les négociations à
six.
Tous
les membres du Sénat doivent lire les 81 pages de la chronologie.
La Corée du Nord prouve, de façon irréfutable, que le modèle des «négociations»
ne fonctionne pas s'il n'est pas associé à des actes crédibles de menace et de
coercition. L'Iran sait que ses négociateurs nucléaires lui procurent
l'immunité. La question n'est pas quand ou comment l'Iran violera un accord
quelconque. L'Occident lui demandera platement -quoi d'autre?- davantage de
négociations. Les programmes nucléaires et balistiques de l'Iran se
poursuivront à l'image de la Corée du Nord, c'est l'évidence, quoi qu'on dise. Le
prochain président des États-Unis devra inventer une alternative au modèle
actuel de négociations nucléaires. Hillary ne le fera pas. Ce travail
inévitable incombera à son opposition.
Reproduction
autorisée avec mention :
Michel
Garroté
Sources :
Titre
original : Why the Iran Deal IsIrrelevant
Auteur
: Daniel Henninger.
Publication
Wall Street Journal, avril 2015.
Traduction
française : Jean-Pierre Bensimon.
Version
française :
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