Michel
Garroté -- Pourquoi Hitler a-t-il choisi le suicide, et,
non pas, une autre façon, plus héroïque, de mourir ? Récemment, dans Foreign
Policy, Benjamin Soloway (voir liens vers sources en bas de page) se demandait
si l’exécution de Mussolini avait influencé la décision d'Adolf Hitler de se
suicider et de faire brûler son corps dans les derniers jours de la Seconde
Guerre mondiale.
De son
côté, l'historien Hugh Trevor-Roper affirme dans son ouvrage « The Last Days of
Hitler » qu'il est peu probable que ce qu'il décrit comme une décision déjà
ferme de Hitler ait eu besoin d'être renforcée par les informations - sur l’exécution
de Mussolini - en provenance d’Italie (voir également le récent livre de David
Kertzer intitulé « The Pope and Mussolini »).
Personnellement, je ne suis
qu’à moitié convaincu par les arguments de Benjamin Soloway et de Hugh
Trevor-Roper. J’y reviens plus en détail
en fin d’article. Mais voyons d’abord le raisonnement de Benjamin Soloway.
Les arguments de Benjamin Soloway
Dans
Foreign Policy, Benjamin Soloway ajoute (voir liens vers sources en bas de page)
: la nouvelle de la mort publique et humiliante de Mussolini est arrivée à
Hitler le 29 avril 1945, dans son Führerbunker sous Berlin, où il était
retranché depuis deux semaines alors que les forces soviétiques approchaient de la capitale allemande.
Benjamin
Soloway : « Cela ne m'arrivera jamais », déclare-t-il alors, selon le témoignage
effectué au procès de Nuremberg par Hermann Goering en 1946. Le même jour,
Hitler rédige son testament : « Je ne souhaite pas tomber dans les mains d'un
ennemi qui a besoin d'un nouveau spectacle, présenté par les Juifs, pour le
divertissement des masses hystériques », écrit Hitler.
Benjamin
Soloway : Le 30 avril, Hitler fait ses adieux à son premier cercle, dont les
hauts dirigeants Martin Bormann et Joseph Goebbels, son ministre de la
propagande. Alors que les Russes sont pratiquement à sa porte, il se suicide en
compagnie de sa compagne Eva Braun, qu'il vient juste d'épouser. Leurs corps
sont brûlés. Le 1er mai, veille de la prise du bunker par les Soviétiques,
Goebbels et sa femme tuent leurs six enfants avant de se suicider.
Benjamin
Soloway : En s'assurant que son corps soit détruit, Hitler a d'une certaine
façon aidé les Alliés dans leur effort pour éviter qu'une trace matérielle du
Führer ne devienne un objet de culte ou de pèlerinage pour
les fascistes à venir. L'histoire a tourné différemment dans le cas de
Mussolini: il a été enterré dans une tombe anonyme, mais des fascistes parmi
les plus radicaux ont plus tard exhumé son corps et l'ont caché dans plusieurs
endroits, avant que le gouvernement italien n'autorise son inhumation dans la
crypte familiale.
Benjamin
Soloway : En 1945, la mort de Mussolini a été largement célébrée par les Alliés
comme preuve de l'imminente conclusion de la guerre sur le front européen,
atteinte le 8 mai, moins de deux semaines plus tard : « La mort pitoyable de
Benito Mussolini constitue la conclusion appropriée d'une vie pitoyable », se
réjouit alors le New York Times.
Benjamin
Soloway : « Fusillé par un peloton d'exécution en compagnie de sa maîtresse et
d'une poignée de dirigeants fascistes, le premier des dictateurs fascistes,
l'homme qui s'est un jour vanté qu'il allait restaurer la grandeur de la Rome
antique, n'est plus qu'un cadavre sur une place milanaise, où une foule
hurlante frappe son corps, le maudit, lui crache dessus » (fin des extraits de
l’article de Benjamin
Soloway paru dans Foreign Policy ; voir liens vers sources en bas de page).
Je ne suis qu’à moitié
convaincu
J’ai écrit plus haut que personnellement,
je ne suis qu’à moitié convaincu par les arguments de Benjamin Soloway et de Hugh
Trevor-Roper. Dans son testament, Hitler
écrit, peu avant de se suicider : « Je
ne souhaite pas tomber dans les mains d'un ennemi qui a besoin d'un nouveau
spectacle, présenté par les Juifs, pour le divertissement des masses
hystériques ».
Dans cette formule
testamentaire, Hitler donne l’impression d’avoir peur d’être tourné en
ridicule. Il parle de « spectacle ». Il n’écrit pas qu’il a peur d’être
lynché. Il écrit qu’il a peur d’être le clou d’un spectacle qui le tournerait
en dérision. Il est, encore et toujours, obsédé par les Juifs, puisqu’il écrit « spectacle, présenté par les Juifs ».
Hitler n’a pas envisagé de
mener, jusqu’à la mort, son ultime combat. Il n’a pas décidé de sortir de son
bunker, avec ses plus proches lieutenants, pour affronter les soldats, alliés
ou soviétiques, en hurlant, une dernière fois, tel ou tel slogan hitlérien.
Hitler n’a pas non plus
décidé de disparaître de la circulation, de se faire exfiltrer, sous une fausse
identité, profitant de l’immense chaos qui régnait à l’époque. Il aurait pu le
faire comme d’autres nazis l’ont fait, se cachant en Amérique du Sud ou dans le
monde arabe.
Hitler, le Führer, le Guide
du Troisième Empire allemand, le maître absolu de l’Europe nazie, Hitler l’immortel
selon le slogan « Hitler pour mille ans », cet homme qui se prenait
pour un demi-dieu et qui déclara la guerre au monde entier, ce grand criminel à
la fois auteur et acteur génocidaire, s’est terré comme un rat dans un bunker, il
s’y est suicidé, et, il a demandé à ce que son corps y soit brûlé, à ce que son cadavre y soit soumis à la crémation, lui,
l’inventeur des fours crématoires.
Parce qu’il avait simplement
peur d’être le clou d’un spectacle qui le tournerait en dérision ? Benjamin Soloway, dans Foreign Policy, n’a pas la réponse à cette question. Et moi non plus, je n’ai pas la
réponse à cette question.
Reproduction
autorisée avec mention :
Michel
Garroté - http://leblogdemichelgarrote.blogspot.ch/
Sources :
Je n'ai jamais cru a son suicide. pour Hitler a termine ces jours en URSS.
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